Les flûtes
La note
Elle dépend de la longueur du tuyau associé au type ouvert ou fermé.
La sonorité musicale ou "couleur"
Elle dépend des harmoniques créées, et donc essentiellement de la forme du tuyau et du type d'embouchure.
La puissance
Elle dépend essentiellement de la quantité d'air utilisée pour mettre l'air interne à la flûte en vibration. On peut jouer sur la pression d'air fournie et sur les sections de passage.
Trois méthodes pour régler la quantité d'air pour une pression donnée:
a/ Régler le débattement d'ouverture des soupapes.
b/ Ajuster la perte de charge du tuyau issu de soupapes qui conduit cet air, par rétrécissement du tuyau par un diaphragme, une vis ou autre méthode.
c/ Ajuster la fente de sortie pour limiter le débit de l'air sortant par cette fente.
Pour ma réalisation, j'ai choisi de faire des tuyaux de section carrée, de type fermé, que l'on appelle généralement "bourdons". J'ai choisi également d'ajuster la fente de sortie pour en régler la puissance.
Fabrication des bourdons
Selon mes souvenirs de terminale et aussi pour m'être frotté à la technique dans un labo d'acoustique lors de ma carrière à EDF, on peut dire qu'un bourdon se compose d'un résonateur(le tuyau proprement dit) et d'un excitateur (la base et sa lame d'air).
Il convient:
1/ que le résonateur soit aussi bon que possible, c'est à dire sans pertes: intérieur lisse et étanche pour conserver les pressions d'air et renvoyer les ondes sonores comme un miroir.
2/ que l'excitateur - la lame d'air - soit suffisamment puissante (vitesse?) et judicieusement située par rapport à l'orifice pour mettre le résonateur en résonance.
Observations
Quelques recherches sommaires m'ont amené à distinguer plusieurs méthodes de fabrication des bases, plus particulièrement de la formation de la lame d'air.
1/ Une méthode issue semble-t-il de Cavaillé-Coll, qui consiste à fraiser dans le bloc avant une forme concave. Il semble que le but recherché est de diriger le flux d'air vers l'intérieur du tuyau.
2/ Une méthode plus simple de beaucoup consiste à aligner le devant de la base (support du bloc avant avec le biseau, et à régler l'épaisseur de la lame d'air avec des cales. Dans ce cas, la lame d'air arrive droit sur le biseau.
NB: J'appelle biseau la partie chanfreinée du tuyau résonateur. Les facteurs d'orgues d'églises appellent biseau la partie du pied des tuyaux métalliques qui amène l'air à la fente (l'équivalent du petit chanfrein juste avant la fente dans le croquis ci-dessus. Mais dans le cas des tuyaux métalliques, le rôle acoustique du pied est fondamental (on trouve des tuyaux dont la longueur du pied est supérieure à la longueur du résonateur). Je ne pense pas qu'on doive adopter cette approche et cette appellation dans le cas de nos bourdons en bois.
3/ Il est fréquent de trouver un usinage à la lime de la lèvre arrière du bloc de base, afin d'obtenir une épaisseur de lame d'air convenable. Une pente est alors préconisée ( 8 à 12 °). La lame d'air prévisible sera alors dirigée plutôt vers l'extérieur du tuyau, mais en partant de l'intérieur de l'aplomb du biseau.
Autres informations
J'ai eu l'occasion de visiter l'orgue en réfection de l'Auditorium de Lyon. C'est un orgue qui a une longue histoire (voir le site de l'Auditorium) et où il reste des tuyaux réalisés par Cavaillé-Coll, notamment les bourdons.
On voit des rainures sur la lèvre arrière de la lame d'air. (Je n'ai pas démonté ces bourdons et je ne peux que supposer que les plaques avant sont concaves, s'agissant d'une fabrication Cavaillé-Coll). Cavaillé-Coll explique dans ses écrits que les rainures créent des sortes de "poutres" ou de rails qui soutiennent la lame d'air, et qui évitent qu'elle ne diverge.
Cependant, ces rainures élargissent localement le passage et devraient au contraire provoquer un ralentissement de la vitesse de l'air; par ailleurs il faut bien constater qu'aujourd'hui ces rainures sont largement bouchées par la peinture, et que les bourdons sonnent encore correctement - alors que l'effet "poutre" est visiblement largement réduit.
Au passage, on peut observer sur cette photo que les "colonnettes" latérales sont retaillées en divergent, ce qui, d'expérience est indispensable au fonctionnement correct de la flûte. Il semble même que l'absence de ces colonnettes en favorise le fonctionnement (expérience sur une série de tuyaux).
L'examen de flûtes métalliques Cavaillé-Coll montre également un système de dents sur la face arrière de la fente.
J'ai interrogé le facteur chargé de la réfection de l'orgue de l'auditorium (Michel Gaillard, un as de la société AUBERTIN). Il m'a répondu sans phrases, par l'exemple. Attrapant une flûte métallique qui ne chantait pas bien, il a tracé avec un cutter quelques rayures sur la partie arrondie (arrière) de la lèvre, (qui présentait, contrairement aux photos ci-dessus, une partie arrondie là où on voit un chanfrein denté sur celles-ci).
Et la flûte s'est très nettement améliorée. Michel Gaillard m'a également assuré qu'il convenait que la plaque avant soit très lisse (côté lame d'air, ça va de soi).
Deux réflexions personnelles:
1/ Il me semble que les rainures Cavaillé-Coll (même bouchées par la peinture) ou les rayures de Michel Gaillard ont pour effet de ralentir la face arrière de la lame d'air, en créant des turbulences de ce côté, provoquant son inflexion vers l'intérieur du tuyau. Le bloc avant concave de Cavaillé-Coll me semble poursuivre le même but.
2/ J'ai lu qu'il était nécessaire que la lèvre arrière présente un angle vif, sans chanfrein. cela me semble en contradiction avec la configuration des flûtes métalliques (la majeure partie des flûtes d'un orgue) dont l'arrière de la lèvre est justement constitué d'une plaque d'étain pliée et donc un peu arrondie, voire beaucoup arrondie, ou carrément d'une pièce qui fait chanfrein (photo ci-dessus), ce qui favorise de même l'orientation du flux d'air vers l'intérieur du tuyau.
Réalisation de mes bourdons
J'ai donc tenté d'être logique et de reproduire ce que je crois avoir compris de ces configurations, dans la fabrication de mes bourdons.
Pour la base:
1/ La lame d'air
J'ai réalisé, dans l'ordre du flux d'air:
a/ sur environ 5 mm, un chanfrein à 45°, qui va compresser l'air et l'amener avec le moins de turbulences possible, au niveau de la fente à proprement parler. Les angles sont arrondis.
b/ sur environ 2.5 mm, une fente bords parallèles ou légèrement divergente (la lime prend appui sur le bas du bloc de base). Selon les options que j'ai prises, c'est cette fente qui va régler et limiter le débit.
c/ sur environ 2.5 mm, un divergent (pente 10 à 15 °), dont le but est de calmer l'air en contrôlant un peu sa détente, et d'orienter la lame d'air vers l'intérieur du tuyau. Toutefois, cette dernière disposition est à moduler selon la taille du tuyau: les dimensions indiquées sont valables pour les flûtes graves; elles sont à diminuer jusqu'à être juste un angles cassé pour les flûtes aigues.
Remarque importante
J'ai pu constater sur les photos de diverses réalisations de nos collègues - et sur les miennes - des lèvres de fentes faisant apparaitre les pores du bois. C'est un état à éviter absolument: les pores du bois constituent une altération du poli de l'état de surface nécessaire, ils sont en outre très hydrophiles et gonflent énormément en présence d'humidité (l'humidité se condense à cet endroit dès qu'on souffle avec la bouche, "pour voir". il faut utiliser un bois à grain très fin et/ou l'imprégner d'une résine (colle, vernis, autre ...) pour bloquer les pores, ceux qu'on voit et les autres.
2/ Le bloc de la face avant
Ce bloc doit avoir la face en contact avec la lame d'air, aussi lisse que possible, aspect miroir, sans aucun grain du bois visible, même à la loupe. Là encore, une imprégnation est indispensable. Par contre il n'est pas nécessaire pour le fonctionnement qu'il soit épais, une tôle peut convenir. Toutefois, l'arête supérieure côté lame d'air sera soignée et bien vive: les filets d'air doivent quitter la surface sans turbulences.
Pour le corps du tuyau et les bouchons:
Il s'agit d'un résonateur qui doit être sans pertes.
L'intérieur sera rendu lisse et étanche pour conserver les pressions d'air et renvoyer les ondes sonores comme un miroir. Là encore une imprégnation est indispensable: peinture, vernis, colle...(à appliquer évidement avant de s'occuper de l'ajustement de la fente et surtout de la pose du bloc avant)
Une mention spéciale pour les bouchons:
Concernant la réflexion des ondes sonores, il ne me semble pas sage de conserver, comme on voit souvent, du cuir en face inférieure: cette surface "molle" est selon moi de nature à amortir les réflexions de pression et à dégrader le fonctionnement de la flûte.
Mes bouchons sont réalisés en bois, le fil dans le sens de la longueur pour harmoniser les variations dimensionnelles dues à l'humidité. Un joint périphérique en cuir est collé autour, en laissant le bas du bouchon découvert. Hélas, le chêne utilisé, très vieux, présentait des pores très ouverts au point qu'on voyait le jour au travers du bouchon: bonjour l'étanchéité. Une imprégnation au vernis a tout résolu en aboutissant à une surface très dure.
Au passage, même punition pour la surface inférieure (le bloc constituant la lèvre arrière): le fonctionnement s'améliore quand le "plancher" est lui aussi très dur et lisse.
Imprégnation (lasure) des bourdons du second rang
Partie supérieure des bouches: les biseaux
(voir ma remarque "NB" ci-avant)
Il semble bien qu'un biseau trop étroit en sa partie basse est la cause d'un "souffle" dans le son d'un tuyau. Confronté à ce problème, j'ai élargi cette attaque du biseau en créant un bourrelet arrondi, avec une résine époxy, avec une certaine réussite.
Faut-il penser que le jet d'air, arrivant sur cette surface arrondie, est obligé de passer en entier d'un côté ou de l'autre, créant la vibration à l'origine du son, au lieu d'être coupé en deux par une arête trop aigue et en conséquence ne réalisant que mal cette vibration ?
Dimensions de fabrication des tuyaux
Je mentionne pour mémoire que la qualité de réalisation doit être irréprochable: état des surfaces, équerrages, dimensions, etc. S'il est exact que l'on trouve des réalisations approximatives qui fonctionnent, il est non moins vrai que ce qui ne marche pas est plus que souvent à mettre au compte de cette qualité de réalisation.
Le dimensions ci-après sont conformes à la réalisation de mon orgue "BB29".
Les chiffres sont la copie quasi conforme du tableau diffusé par Pierre PENARD (voir ce tableau). Les différences que j'ai introduites sont le résultat de mes choix personnels, et du (court) retour d'expérience que j'ai pu acquérir dans ce domaine.
Ainsi, j'ai voulu privilégier le rendu des graves et adapter la sonorité en général.
J'ai donc modulé le diamètre des soupapes pour obtenir un flux d'air maxi sur les flûtes graves.
J'ai réduit un peu les épaisseurs de lame d'air, pour économiser celui-ci. Cependant les épaisseurs de lame d'air du tableau sont des valeurs cible: elles ont été ajustées in fine, d'abord en intercalant des cales en papier jusqu'à l'obtention de la bonne puissance, puis la lèvre intérieure a été limée de la valeur correspondante avant de coller le bloc avant (avec interposition d'une feuille de papier très mince pour prévoir un démontage possible).
Enfin, j'ai augmenté la section des huit dernières flûtes aiguës, parce que un première réalisation (Mini 29) avait un son un peu criard à mon gout sur ces flûtes. Le résultat donne un son qui reste suffisamment en harmonie avec les autres tuyaux.
Et voici le résultat:
(à écouter avec un casque, les haut-parleurs des ordinateurs sont insuffisants et altèrent les graves notamment)
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